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tonnerre, avec le casque chocolat d’un Bavarois ramassé à Châtillon. Les marchands de couleurs et de tableaux vendent des couvre-képis en toile cirée. Les officines de Paris pour les courses, actuellement sans ouvrage, sont devenues des bazars de siège : on y expose des revolvers, des lorgnettes de marine, des couteaux, des couverts pour bastions, des tire-douilles pour fusils à tabatière, des tasses à filtre, etc.

Une boucherie de la rue Neuve-des-Petits-Champs a changé son nom en Hippophagie, et étale, dans le flamboiement du gaz, un écorché élégant, au péritoine découpé en festons et en dentelles, un écorché tout enguirlandé de feuillages et de roses : un écorché qui est un âne.

Mardi 8 novembre. — Une foire aux légumes, le long de l’avenue de Clichy, depuis la statue du maréchal Moncey jusqu’à la porte du rempart, avec tout son petit monde de mioches vendeurs : de petits ébouriffés, dont le pan de chemise passe à travers la charpagne sur laquelle ils sont assis, de petites encapuchonnées qui ont trois navets devant elles. Dans ce gigantesque étalage de verdure, glissent, coulent, se répandent les étalages d’autres commerces : de vieux pantalons, des morceaux de tuyaux de poêle, des abat-jour, des peintures à l’huile de maisons de campagne par des propriétaires amateurs, des tableaux de mâchoires, qui s’ouvrent et se referment, achetés à la faillite d’un dentiste.