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Gautier, — interrompant l’analyse, qu’il fait dans un coin, des quatrains de Khèyam, au bon Chennevières.

Mercredi 2 novembre. — Toute la journée j’ai été poursuivi par la mémoire obstinée d’un autre Jour des Morts.

Nous étions à la Comerie. De Béhaine nous avait emmenés nous promener sur les hauteurs qui dominent le cours de l’Oise. Nous marchions sous la bise, par le paysage désolé, entourés du vol circulaire des corbeaux. Jules souffrait du foie, et nous étions tristes, comme ce triste jour.

Il y a aujourd’hui au cimetière, pour entrer, pour sortir, la queue qui se fait à la porte d’un endroit de plaisir. Je ne sais, pour moi, je suis reconnaissant à toute cette foule qui se presse là. J’ai du bonheur à voir bien peu de tombes, sans une couronne fraîche, et je me penche à regarder les formes noires et les mains pieuses, penchées sur les pierres funéraires. Les morts, si oubliés le restant de l’année, ont autour d’eux un murmure de prières, de paroles… Pauvre tombe ! elle n’a que les couronnes que j’y apporte. Quand je n’y serai plus, personne n’y viendra, personne n’y apportera un brin d’immortelle. Cette tombe deviendra la pierre abandonnée des morts sans famille. Cette idée m’est douloureuse non pour moi, mais pour lui.

À l’entrée du cimetière, des bières de petits en-