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qu’il veut faire d’après nature, du caractère sinistre qu’il y trouve, de l’aspect presque macabre qu’il a rencontré chez une cocotte, du nom de Clara Blume, à un lever de jour à la suite d’une nuit de pelotage et de jeu : — un tableau qu’il veut peindre, et pour lequel il a fait quatre-vingts études d’après des filles.

6 décembre. — Je passe chez Pierre Gavarni. Je lui trouve une douleur endormie et qui paraît rêver. « Il me semble, dit-il, que ce n’est pas arrivé… Je ne puis parler de lui au passé. »

Pierre me raconte qu’il est arrivé à quatre heures. Son père, à son arrivée, resta d’abord immobile. Puis, sous la pression de sa main, il lui dit d’une voix rude : « Ah ! c’est toi, mon garçon. » Et comme s’il faisait sa dernière et suprême légende : « Eh bien ! voilà mon caractère ! » Pierre lui parla alors de changer de vie, quand il serait sur ses pattes et qu’il faudrait aller à ces pays de soleil dont il revenait : « Nous parlerons de cela, je ne te dis pas le contraire. »

Ce fut son dernier mot. Plus tard, comme son fils, le voyant horriblement couché, lui demandait s’il voulait qu’il le relevât dans son lit, il fit de l’index, sans parler, le geste qui lui était familier pour dire non, et ce fut son dernier geste. Il était mort à sept heures.

De là, je suis allé chez Forgues, qui nous peint l’horreur de cet enterrement : la maison en carton suintant l’eau ; une porte qu’il ouvre et qu’on repousse sur lui, en disant : « On est à le mouler. » Il