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de sa dernière crise, il avait dit à sa maîtresse qui était venue le voir, pendant que j’étais descendu en bas lui chercher de l’eau de mélisse ; il lui avait dit, en lui recommandant de ne pas me répéter ses paroles : « Ma chère Maria, je suis bien malade, d’une maladie dont on ne guérit pas… et le tombeau est tout proche ! »

À midi, j’ai vu à travers la porte de la salle à manger, les chapeaux de quatre hommes noirs… Nous sommes montés dans la petite chambre… Ils ont relevé la couverture, ont glissé sur lui un drap, et en une seconde, ont fait de son maigre cadavre, à peine entrevu, un long paquet au linge rabattu sur la figure : « Doucement, ai-je dit, je sais bien qu’il est mort, mais cela ne fait rien… doucement ! »

Alors on l’a étendu au fond de la bière, sur un lit de poussière odoriférante, pendant qu’un de ces hommes disait : « Si ça fait mal à ce monsieur, il faut qu’il s’en aille ! » Je suis resté !… Un autre a repris : « C’est le moment, si Monsieur a quelque souvenir à mettre dans la bière ? » J’ai dit au jardinier : « Allez couper toutes les roses du jardin, qu’il emporte là-bas au moins cela de cette maison, qu’il a un moment tant aimée ! » On a jeté les roses dans le creux autour de son corps, on en a mis une blanche sur le drap, un peu soulevé par sa bouche. Alors la forme de son corps a disparu sous un amoncellement de poussière brune… Puis on a vissé le couvercle. C’était fini. Je suis descendu.