Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/297

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’accusé est ramené sur le banc, et par un retour de curiosité cruelle, on cherche à dévorer ses angoisses. On monte sur les bancs pour le voir. Il semble, lui, calme, décidé, et fait face à l’arrêt, la tête levée, caressant sa barbiche. Le président lui lit la déclaration du jury, et sa voix mordante et ironique de vieux juge dans tout le procès, en cette lecture est pénétrée d’une émotion grave. Le tribunal se lève et confère quelques secondes, puis le président lit encore à l’accusé, à mi-voix, les articles d’un code ouvert, et l’on entend vaguement la phrase : tête tranchée.

À cette phrase deux cris, et le bruit d’un corps qui cogne sur du bois : c’est la maîtresse du condamné qui s’évanouit. Lui, il a entendu sans faiblesse la lecture de son arrêt, et, la lecture finie, il saute d’un bond sur le banc au-dessus, et de là, se retournant vers l’endroit des cris, et touchant son cœur, il envoie d’un geste violent, suprême, un dernier baiser à celle qui a crié.

— J’ai vu presque tous les voulant arriver au but de leur vouloir. Est-ce que la volonté ne serait pas un fluide aimanté qui, par son intensité, deviendrait une force inconnue et magnétique ayant le pouvoir de l’attirement des choses et des faits ?

7 avril. — Dîner Magny.

On disait que Berthelot avait prédit, que dans cent