Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/284

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gautier et Saint-Victor… Eh bien ! vous, c’est encore autre chose que vous voulez… C’est du mouvement dans la couleur, comme vous dites… C’est l’âme des choses… C’est impossible… Je ne sais pas, moi, comme on prendra cela plus tard, et où on ira !… Mais, dans le moment, il faut vous atténuer, vous amortir… Tenez, votre description du pape tout en blanc, tout au fond… Eh bien ! non, non… »

Et soudain entrant en colère : « Neutralteinte, qu’est-ce que c’est que ce neutralteinte ?… ce n’est pas dans le dictionnaire… C’est une expression de peintre, ça… Tout le monde n’est pas peintre… C’est comme un ciel de couleur rose thé, rose thé… Qu’est-ce que c’est, une rose thé… » Et il répète une ou deux fois : « Rose thé, » ajoutant : « Il n’y a que la rose, ça n’a pas de sens ! »

— Et cependant, monsieur Sainte-Beuve, si j’ai voulu exprimer que le ciel était jaune de la nuance jaune rosée d’une rose thé, d’une gloire de Dijon par exemple, et n’était pas du tout du rosé de la nuance de la rose ordinaire ?

— En art il faut réussir, continue Sainte-Beuve, sans écouter… Oui, il faut réussir… Je voudrais que vous réussissiez… Là, une suspension, avec quelques paroles ravalées, qui nous font soupçonner que le livre n’a pas eu de succès dans son entourage, qu’il a peut-être ennuyé la manchote.

Et il se met à nous prêcher d’écrire pour le public, de descendre nos œuvres à l’intelligence de tous, nous reprochant presque notre effort, l’ambition de