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— De M. Michelet ?

— Oui, c’est un livre autorisé par notre confesseur… »

Eh bien ! quand on m’a dit cela, ça m’a donné un grand coup…

19 juin. — Nous sommes dans cette vieille étude qui a vu presque toutes nos affaires de famille, dans ce cabinet au fond d’une cour de la rue Saint-Martin, dans ce cabinet gris et obscur aux boiseries blanches, aux rideaux verts derrière le grillage des portes d’armoires, et avec ses bustes de plâtre bronzé dans les niches des cintres. Il n’y manque, comme vieux cabinet de notaire parisien, que les deux immémoriales lampes carcel, qui figuraient sur la cheminée, du temps du père Buchère.

Il s’agit de la vente de nos fermes des Gouttes, de ce morceau d’orgueil de notre famille, de cette grande propriété terrienne du grand-père, de cette chose vénérable, respectée, sacrée, qu’en dépit de leur petite aisance, notre père et notre mère se sont entêtés à garder contre les tentations d’offres magnifiques, pour conserver à leurs enfants, ce titre et cette influence de propriétaire, et ce pain solide, que seule la terre représentait, sous Louis-Philippe, pour l’ancienne famille.

Enfin, après huit mois de pourparlers, de correspondances, de recherches de titres, nous sommes parvenus à nous débarrasser de cette misère et de ce grand tracas de notre vie.