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jamais ne regardent, un mélange de clowns et de bestiaux : des bêtes splendides et inquiétantes.

27 octobre. — À Bellevue, chez Charles Edmond qui vient de se faire bâtir un petit palais bourgeois.

Nous allons avec lui chez Berthelot, son voisin, et tombons dans l’intérieur du chimiste. Une petite maison dans les bois. Un jardin plein d’enfants, un salon plein de femmes. Mme Berthelot, une beauté singulière, inoubliable : une beauté intelligente, profonde, magnétique, une beauté d’âme et de pensée, semblable à ces créations de l’extra-monde de Poe. Des cheveux à larges bandeaux presque détachés, à l’apparence d’un nimbe, un calme front bombé, de grands yeux pleins de lumière dans l’ombre de leur cernure, un corps un peu plat avec dessus une robe de séraphin maigre. Et une voix musicale d’éphèbe, et un certain dédain dans la politesse et l’amabilité d’une femme supérieure. Un enfant, son aîné, est venu s’asseoir tout contre elle, beau comme un enfant fait au ciel.

Nous battons toute la journée, en compagnie de Berthelot, les bois de Sèvres et de Viroflay, et nous retombons le soir dîner dans le ménage Charles Edmond.

— La vie est une telle peine, un tel travail, une telle occupation, que des hommes comme nous