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noire et à lunettes, promenant éternellement, dans les escaliers de l’hôtel, le cylindre d’un clysopompe ; la vieille femme, à laquelle on ne sait quel passé donner de marchande à la toilette ou de brocanteuse de chair humaine, possédant des restes de beauté diabolique, et ayant dans le cerné de son vieil œil, l’apparence d’un sourire de jouissance, mêlé à je ne sais quelle profondeur de coquinerie. La nourriture l’excite, et, à la fin des repas, se renversant à demi sur sa chaise, comme sur un canapé, et branlant un peu la tête, elle a des chantonnements d’harmonica fêlé, des notes cassées d’échos de musicos.

Puis toute la palette des teints de jaunisse et de la bile dans le sang, depuis la pâleur hépatique jusqu’au bronze vert, depuis le bronze vert jusqu’à la jaunisse nègre, et des têtes de femmes, où la maladie de foie semble avoir développé une répugnante pilosité. Là-dedans, une jeune chlorotique à marier, assidue aux sources ferrugineuses de Mesdames, un bubon en deuil, dont la mère, dans sa grossesse, semble avoir eu un regard d’une caricature idiote de Grandville. Puis deux Anglais, deux Anglais du Palais-Royal : l’un, le neveu, capitaine aux Indes, à l’abominable tête d’artiste, à la barbe en queue de vache, au front de lézard, à la raie médiane d’un modèle pour Jésus-Christ, et se livrant tout le temps à des calembours internationaux. L’oncle, lui ! ressemble à un commodore joué par Odry, avec ses cheveux et ses favoris lui mangeant la figure à la façon de deux perruques, avec ses yeux de taupe,