Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Se jeter, en se levant, dans l’étude courante et passegiante de quelque église, de quelque ruine, déjeuner sur une table boiteuse du café Greco, dans l’ombre de son chez soi, fumer des cigares en écrivant des notes, devant un bouquet de roses blanches au cœur de soufre ; puis, vers quatre ou cinq heures, faire une promenade, en voiture, dans les environs de Rome : c’est là notre vie de tous les jours.

— Choses et gens : tout est ici, un peu comme l’odeur de la rue de Rome, où l’on ne sait pas trop ce que l’on sent, si c’est la m… ou la fleur d’oranger.

1er mai. — Le Torse du Vatican entame un peu l’admiration qu’on apporte de France au Moïse de Michel-Ange. On est frappé dans cet effort de la force, d’une rondeur ronflante qui n’existe jamais dans la sculpture antique, dans la chair de marbre d’Apollonius. Les veines en racines, sillonnant les bras, un malheureux emprunt à la très médiocre sculpture dramatique du Laocoon. L’œil aux beaux temps de la Grèce, si bellement et si majestueusement s’enfermant, et se reculant dans de l’ombre, a dans le Moïse, la petite et misérable indication de la prunelle.

Enfin devant toute cette robustesse de l’œuvre molle et soufflée, un esprit indépendant arrive à se demander quand il compare le Moïse au Torse, si