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25 janvier. — Lire les auteurs anciens, quelques centaines de volumes, en tirer des notes sur des cartes, faire un livre sur la façon dont les Romains se chaussaient ou mangeaient couchés, — voici ce qui s’appelle l’érudition. On est un savant avec cela. On est de l’Institut, on est sérieux, on a tout.

Mais prenez un siècle près du nôtre, un siècle immense, brassez une montagne de documents, trente mille brochures, deux mille journaux, tirez de tout cela, non une monographie, mais le tableau d’une société, vous ne serez rien qu’un aimable fureteur, un joli curieux, un gentil indiscret.

Il se passera encore du temps, avant que le public français ait de la considération pour l’histoire qui intéresse.

26 janvier. — Flaubert me contait, un de ces soirs, que son grand-père maternel, un bon vieux médecin, ayant pleuré dans une auberge, en lisant un journal qui annonçait l’exécution de Louis XVI, au moment d’être envoyé au Tribunal révolutionnaire de Paris, fut sauvé par son père, alors âgé de sept ans, auquel sa grand’mère apprit un discours pathétique, qu’il récita avec le plus grand succès à la société populaire de Nogent-sur-Marne.

28 janvier. — Nous dînons ce soir chez la princesse Mathilde. Il y a Nieuwerkerke, un savant du nom de Pasteur, Sainte-Beuve, Chesneau, le critique d’art de l’Opinion nationale. Une physionomie curieuse que