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provençaux, qui se pousseront le coude pour voter pour lui. »

La petite touche — c’est le charme et la petitesse de la causerie de Sainte-Beuve. Point de hautes idées, point de grandes expressions, point de ces images qui détachent en bloc une figure. Cela est aiguisé, menu, pointu, c’est une pluie de petites phrases qui peignent, à la longue, et par la superposition et l’amoncellement. Une conversation ingénieuse, spirituelle mais mince ; une conversation où il y a de la grâce, de l’épigramme, du gentil ronron, de la griffe et de la patte de velours. Conversation, au fond, qui n’est pas la conversation d’un mâle supérieur.

16 novembre. — Sous la couverture mouillée que le pompier lui avait jetée, la pauvre danseuse si horriblement brûlée hier, Emma Livry, s’était mise à genoux et faisait sa prière.

— Un superbe détail pour le soir d’une bataille. Après Isly, les vautours grisés des yeux des morts qu’ils avaient mangés, ne trouvant pas le reste encore assez corrompu, voletaient, trébuchaient, tombaient à terre comme des pochards.

Samedi 22 novembre. — Gavarni a organisé avec Sainte-Beuve un dîner qui doit avoir lieu deux fois par mois. C’est aujourd’hui l’inauguration de cette réunion et le premier dîner chez Magny, où Sainte-Beuve a ses habitudes. Nous ne sommes aujourd’hui