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douze ans. De petites reprises de ces passions ont cependant lieu, de temps en temps, mais ça n’a pas de suite. Falloux lui a presque pris de force les mains qu’il mettait dans ses poches. « Il n’y a que de Broglie. Nous ne nous saluons pas… Ça se passe en famille à l’Académie, voyez-vous. Nous ne sommes que huit depuis six mois. Il y a des séances, quand Villemain n’est pas là, qui commencent à trois heures et demie, et qui finissent à quatre heures moins le quart. S’il n’y avait pas un homme inventif, un Villemain, ça n’irait plus. Il pose des questions. Il rédige un procès-verbal coquet. C’est comme Patin pour le Dictionnaire, il ne le fait pas bien, mais il le fait, et sans lui on ne ferait plus rien. Ce n’est pas mauvaise volonté de l’Académie, c’est ignorance. L’autre jour à propos du mot chapeau de fleurs, M. de Noailles a dit que c’était un mot inconnu, qu’il ne l’avait rencontré nulle part. Il n’a pas lu Théocrite, voilà ! Et c’est ainsi à propos de tout… Pour les livres, pour les prix, ils viennent me trouver. Ils me demandent ce que c’est. Ils se renseignent, que voulez-vous ?… Ils ne connaissent pas un nom nouveau depuis dix ans… Et puis l’Académie a une peur atroce, c’est la peur de la bohème. Quand il n’ont pas vu un homme dans leurs salons, ils n’en veulent pas. Ils le redoutent. Ce n’est pas un homme de leur monde… C’est ce qui fait, je crois, qu’Autran a des chances. C’est un candidat des bains de mer. On l’a rencontré aux eaux. Et il a de la fortune. Et puis il est de Marseille. Il a pour lui Thiers, Mignet, Lebrun, les trois frères