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tement et cette pauvre femme. Nous sortons, nous allons au hasard dans Paris… ; enfin, fatigués, nous nous attablons à une table de café. Là, nous prenons machinalement un numéro de l’Illustration, et sous nos yeux tombe le mot du dernier rébus : Contre la mort, il n’y a pas d’appel !

Lundi 11 août. — La péritonite s’est mêlée à la maladie de poitrine. Elle souffre du ventre affreusement, ne peut se remuer, ne peut se tenir couchée sur le dos ou le côté gauche. La mort, ce n’est donc pas assez ! il faut encore la souffrance, la torture, comme le suprême et implacable finale des organes humains… Et elle souffre cela, la pauvre malheureuse ! dans une de ces chambres de domestique, où le soleil, donnant sur une tabatière, fait l’air brûlant, comme en une serre chaude, et où il y a si peu de place, que le médecin est obligé de poser son chapeau sur le lit… Nous avons lutté jusqu’au bout pour la garder, à la fin il a fallu se décider à la laisser partir. Elle n’a pas voulu aller à la maison Dubois, où nous nous proposions de la mettre : elle y a été voir, il y a de cela vingt-cinq ans, quand elle est entrée chez nous ; elle y a été voir la nourrice d’Edmond qui y est morte, et cette maison de santé lui représente la maison où l’on meurt. J’attends Simon, qui doit lui apporter son billet d’entrée pour Lariboisière. Elle a passé presque une bonne nuit. Elle est toute prête, gaie même. Nous lui avons de notre mieux tout voilé. Elle aspire à s’en aller.