Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au milieu du tapage hostile de la salle, Bressant dans son rôle du « Monsieur en habit noir », le rôle le plus attrapé de la pièce, est admirable de courage.

Le matin, on a répandu une circulaire au quartier Latin, pour que la toile tombe au premier acte. Du reste, maintenant, le plan des siffleurs est bien visible : c’est de tuer toutes les scènes et les mots à effet. Ce qu’il y a de meilleur dans la pièce est ce qu’il y a de plus sifflé, et ce qu’il y a de plus dramatique est ce qu’il y a de plus égayé.

Une chose qui dit tout sur cette cabale, et je donne ma parole d’honneur de la chose, c’est ce fait : avant notre pièce, aujourd’hui, on a joué les Précieuses ridicules. Ils ont sifflé. Ils ont sifflé Molière, croyant que c’était du Goncourt.

14 décembre. — C’est étonnant que deux souffreteux, comme nous, possèdent une force nerveuse qui ait pu résister à cette vie de dix jours, force qui étonne autour de nous, nos amis, les acteurs, et Thierry, nous disant un de ces soirs : « Vous passez des soirées bien cruelles ! »

Je ne parle pas seulement du contre-coup en nous de ces huées sauvages, mais de cette vie sans un moment de repos de l’esprit ou du corps. Corriger les épreuves de la pièce pour l’Événement, faire les raccords, écrire vingt lettres par jour, remercier ici et là, lire tous les journaux, recevoir les gens qui viennent vous voir, rouler en coupé une partie de