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9 décembre. — Augier s’étonnait, à la première représentation d’Henriette Maréchal, de n’avoir pas vu la tranquillité faite par l’expulsion de dix ou douze personnes. À celle-ci, ainsi qu’aux deux précédentes, les acteurs ont l’air de se demander ce que signifie cette espèce de tolérance de la police. Coquelin, ce soir à la sortie, me contait qu’aujourd’hui, pendant que les sifflets empêchaient de rien entendre, les messieurs de deux ou trois loges de premières s’étaient réunis et avaient été trouver le commissaire de police, disant qu’ils avaient payé, qu’ils avaient amené leur famille, et qu’ils voulaient entendre. Le commissaire de police leur avait répondu qu’il n’avait pas d’ordres.

Ces heures douloureuses, recommençant tous les soirs, vous barrent absolument l’estomac, vous ferment l’appétit. Nous n’allons plus aux représentations qu’avec des pastilles de menthe anglaise : on pue l’émotion.

L’autre jour, à propos de cela, Dumas fils nous disait qu’à ses premières pièces, Labiche lui avait demandé :

— Eh bien, et l’estomac, tu n’en souffres pas encore ?

— Non.

— Ah ! tu verras, quand tu auras fait un peu de théâtre !

11 décembre. — Notre premier acte est joué absolument comme une pantomime. On ne laisse pas entendre un mot.