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24 novembre. — Mlle Rosa Didier a amené aujourd’hui son fils à la répétition, un joli enfant de dix ans, qui dans une figure pâle, a deux grands yeux tout noirs et tout doux. On l’assied auprès du souffleur, et il essaye de répéter de sa petite voix l’engueulement de Bressant. Ça ressemblait à un chérubin qui épellerait, dans le ciel, le catéchisme poissard.

25 novembre. — Aujourd’hui, on répète au trou du souffleur. La pièce commence à être admirablement jouée. Mme Plessy est presque toujours sublime, oui sublime, je ne recule pas devant le mot. Et quelle grande artiste dramatique n’a-t-on pas utilisée ! Quant à la voix de Delaunay, c’est la plus adorable musique que puisse rêver un auteur pour sa prose.

Mme Plessy racontait avoir vu Scribe, dans les derniers temps, manger un mouchoir pendant une mauvaise répétition.

26 novembre. — J’entre chez le libraire France. Un monsieur, qui est là, entend dire qu’il n’y a plus de places pour notre première. Ce monsieur ne connaît pas notre nom, n’a jamais lu un livre de nous. Et il dit : « Si je passais au théâtre, peut-être que… » C’est bien là le monde parisien, ce monde qui a envie de ce qui n’est plus possible.

26 novembre. — La salle pendant les répétitions. Salle dans la pénombre avec des lueurs de lune