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en lui, qu’il rêve toutes les nuits que son ménage est dans un cachot, et assailli à tout moment, à propos de ces tragédies, d’incidents comme celui-ci : il vient de recevoir une lettre d’un malheureux qui lui écrit d’un lit de la Charité, qu’il a un pistolet sous son traversin, pour se brûler la cervelle, si sa pièce n’est pas reçue.

Ces histoires coupées d’esquisses drolatiques par Got des gens passés et présents du Théâtre-Français, et qui comparait l’attitude d’Empis, devant les cotillons de la Comédie-Française, à celle d’un dindon mis en présence d’un œuf en plâtre.

Là-dessus Thierry entre, fatigué, éreinté, les cheveux pleurant sur la face, les yeux coulés dans les joues, pareil à la peinture d’un christ byzantin, très fatiguée. Mme Plessy se décide, non sans hésitation, à jouer, mais elle exige une excellente composition.

Dans cette fatigue d’émotions perpétuelles, assis sur une chaise du boulevard, après dîner, la réalité des passants, des choses, du boulevard, perd de son relief, et tout prend à nos yeux des effacements de rêve.

Samedi 2 septembre. — La loge de Got : un divan qui fait le tour de la pièce couvert en algérienne, une grande natte par terre, trois étagères, une sorte de panoplie faite avec des sabres, des épées.

Ce soir, Got en s’habillant, nous raconte ses débuts. Lorsqu’il a commencé à répéter, il avait encore son habit de troubade sur le dos ; il était caporal. Il nous