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de septembre… Voyez-vous, ici, rien n’est vrai… Ce qu’on dit n’est pas vrai… Le mensonge même n’est pas vrai… Oui, oui, rien n’est vrai ici ! »

Dîner le soir chez Magny. Sainte-Beuve et Soulié nous confirment l’annonce de l’Indépendance belge. Nous devions être décorés le 15 août. La princesse l’avait demandé directement à l’Empereur, sans nous en parler, et nous avait invités à passer la fête chez elle, pour nous faire la surprise de la croix. Nous sommes vraiment fort touchés, et véritablement reconnaissants à la princesse de cette pensée de cœur, que nous n’aurions pas connue sans l’indiscrétion de ses amis.

Notre croix est remise au mois de janvier, où nous devons être décorés en compagnie de Taine et de Flaubert.

29 août. — Encore à table, nous causons de nous, après dîner… Je n’ai pas les mêmes aspirations que l’autre de nous. Lui, sa pente, s’il n’était ce qu’il est, ce serait vers le ménage, vers le rêve bourgeois d’une communion d’existence avec une femme sentimentale. Lui est un passionné tendre et mélancolique, tandis que moi je suis un matérialiste mélancolique… Je sens encore en moi, de l’abbé du XVIIIe siècle, avec de petits côtés cruels du XVIe siècle italien, non portés toutefois au sang, à la souffrance physique des autres, mais à la méchanceté de l’esprit[1]. Chez Edmond, au contraire, il y a presque

  1. Je donne la note telle qu’elle a été rédigée par mon frère