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28 août. — 30, rue du Petit-Parc, avenue de l’Impératrice. M. Bressant ? Un domestique nous introduit dans un salon, tout empli de tableaux de Bonvin et de Wattier, parmi lesquels se voit un grand et noir portrait de Bressant, où la jeunesse de l’acteur est peinte fatalement, avec des empâtements blafards, et je ne sais quel air sinistre d’Hamlet chez M. Scribe. Au milieu de ces peintures est un buste en marbre d’une élégante femme, portant des armoiries à la ceinture… Bressant entre, commence par refuser le rôle, nous dit que les autres rôles sont superbes et mettent le sien au second plan, qu’il y a longtemps qu’il n’a joué, qu’il veut créer quelque chose, et que notre rôle ne lui semble qu’un rôle de confident. Là-dessus, comme nous nous levons, en lui témoignant tous nos regrets, il s’écrie qu’il voudrait bien nous rendre service, qu’il a peut-être lu le rôle d’une manière superficielle, qu’il le relira et qu’il verra…

Je commence à m’apercevoir que les comédiens sont comédiens chez eux. Leur habitude est de commencer par dire : non. Ils aiment à se faire prier et veulent se faire obtenir. Il me semble que j’entre dans un monde de diplomatie particulière, où la parole est donnée à l’acteur pour déguiser l’envie qu’il a d’un rôle, la crainte qu’il a de le voir aller à un autre.

Rue du Petit-Parc, 32. C’est chez Delaunay. Thierry nous a dit que c’était une affaire faite, et nous allons, par politesse, le remercier d’avoir pris le rôle.

Ici, c’est un autre intérieur, de petites pièces, des