Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.

voix d’en bas cria : « Prévenez ces messieurs de l’avant-scène. »

Il paraît que l’opéra était fini. Mais pourquoi les opéras finissent-ils ?

13 mars. — L’éprouvette du raffinement en art d’un homme, ce ne sera ni le choix du bronze, du tableau, du dessin même ; c’est le choix de ce produit, où l’industrie s’élève à la chose artistique la plus chatouillante pour l’œil d’un amateur, et en même temps la plus indéchiffrable pour l’œil d’un profane. Je veux parler du laque, dont la qualité supérieure, la beauté suprême, le resplendissement parfait, sont si peu voyants : le laque qui vous ravit par ses reliefs qu’il faut presque deviner, par la laborieuse dissimulation de son éclat, par le discret emploi des ors usés, enfin par l’effacement distingué de son luxe et de sa richesse.

Dimanche 16 mars. — À l’avenue des Champs-Élysées, près l’Arc de Triomphe, nous allons voir l’exposition d’Anna Deslions, la fille que nous avons eue si longtemps en face de nous, et qui du quatrième de notre maison, s’est élancée à cette fortune, à ce luxe, à ce scandale retentissant.

Après tout, ces filles ne me sont point déplaisantes, elles tranchent sur la monotonie, la correction, l’ordre de la société, elles mettent un peu de folie dans le monde, elles soufflettent le billet de banque, et elles sont le caprice lâché, nu et libre et vainqueur,