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bon, au milieu de cette nerveuse et tourmentante carrière, de s’oublier un instant, et de bêtifier comme des gens qui ne font pas métier d’avoir de l’esprit !

Hier soir nous avons eu le baptême d’une poupée, un joli petit tableau, dont un peintre de scènes familières, à la façon de Knaus, aurait fait une drolatique et fraîche procession.

Toute la maison avait été réquisitionnée. Le père, en suisse d’église avec une vieille hallebarde, dans une veste Louis XV, fleur de pêcher, et sur le ventre un gilet de soie à astragales jaunes comme les gilets des tableaux de Largillière. Le domestique costumé en bedeau au moyen de toutes les serviettes de la maison. La plus grande demoiselle ayant pris un chapeau et un châle à sa tante, et jouant une mariée de province. La cadette dans le cotillon, le tablier, le fichu, le petit bonnet du pays, une vraie miniature de nourrice chartraine, portant le poupon de carton sous une serviette. Enfin, du garçonnet du jardinier, on avait fait un petit curé, qui avait passé une chemise de nuit sur un jupon noir de la gouvernante, et qui, avec un morceau de taffetas noir pour rabat, sa mine rose, ses cheveux en bourre de soie blonde, ressemblait à ces jolis abbés en porcelaine de Saxe.

Il y a eu des boîtes de dragées lilliputiennes, et pour l’inscription des noms du baptisé, on a ouvert au hasard, dans un immense volume du Musée de Florence, à une page où se trouvait une académie d’homme. Les grandes personnes ont ri, et les petites aussi de confiance.