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Un petit appartement décoré de médiocres objets d’art du XVIIIe siècle et de quelques tableaux et esquisses de son frère. Cela ressemble au nid d’une fille qui aurait hérité d’un peintre.

Je trouve assis à une petite table, jetant sur du papier les phrases de son feuilleton, un homme qui me paraît avoir l’âge des hommes qui se teignent, et de gros traits, et le teint d’un viveur sanguin, avec un tic qui lui démantibule, toutes les cinq minutes, la moitié du visage. Il a une calotte noire sur la tête, un ruban de la Légion d’honneur à la boutonnière de sa robe de chambre, une pipe d’écume de mer à la bouche.

Il cause, il blague aimablement, comme si nous soupions depuis des années ensemble, me parle de tout comme un homme revenu de tout, affirme qu’il faut à Paris mille francs d’argent de poche par jour, émet le paradoxe que le plus intelligent moyen de se loger est de louer une boutique, soutient que tout ce qu’il y a de bon dans une pièce est justement ce qui la fait tomber, déclare qu’il a donné des mots à des pièces de ses amis qui n’étaient pas plus mauvais que d’autres, — et qu’on les a toujours sifflés.

Il est bien nommé de son petit nom : Nestor. Il m’est apparu comme le patriarche du petit journalisme.

9 avril. — Chez Gavarni. Notre ami tourne à l’ours. Il ne veut plus s’habiller, mettre des bot-