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nous, qui ne remplacerait cette généralité par un détail.

Donc ce qui différencie le plus radicalement la littérature moderne de la littérature ancienne : c’est le remplacement de la généralité par la particularité.

— … Dans cette soirée, je me trouve à côté de quelqu’un qui a un grand cordon dans son gilet, et un crachat sur son habit. Cet homme, que je ne connaissais pas, m’entend quand je parle, me regarde et me sourit, enfin s’aperçoit qu’il a quelqu’un à côté de lui… Mais c’est M. de Nesselrode, c’est un Russe, chez lequel subsiste la tradition des aristocraties. Dans les salons actuels la conversation s’est désorganisée, débandée, perdue en a parte, pourquoi ? Parce que l’égalité a disparu des salons. Un gros personnage ne s’abaisse pas à parler avec un petit, un ministre avec un monsieur qui n’est pas décoré, un illustre avec un anonyme.

Chacun autrefois, une fois admis dans un salon, se livrait familièrement à son voisin ; aujourd’hui, chacun semble se trier dans une cohue.

7 avril. — Lecture par Lockroy de notre pièce d’Henriette Maréchal chez la princesse.

Samedi 8 avril. — Je vais demander à Roqueplan d’annoncer la lecture de ma pièce chez la princesse. Il demeure au second dans une maison qui n’a que deux étages. Une jolie bonne m’introduit.