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sous la verdure, emportant sur leur croupe comme l’effeuillement blanc d’un bouquet de mariée.

Une langueur de paresse, une poésie de farniente, se lève dans les senteurs pâmées de ces jardins d’Armide… Sorrente, c’est le Tasse, comme Baïes, la côte de cendres et de cavernes et de terreur : c’est Tacite.

Une note que me fait écrire aujourd’hui le feuilletage de mon carnet de notes sur l’Italie.

— … Ces femmes enfarinées de poudre de riz, blanches comme un mal blanc, les lèvres peintes en rouge au pinceau, ces femmes maquillées d’un teint de morte, le sourire saignant dans une pâleur de goule, l’œil charbonné, avivé de fièvre, avec des cheveux, pareils à un morceau d’astrakan, frisottant et laineux, leur mangeant le front et la pensée, ces femmes avec leurs figures de folles et de malades, semblent des spectres et des bêtes du plaisir. Elles tiennent étrangement du fantôme et de l’animal, — se faisant tentantes par un caractère d’apparition, par l’aspect cadavéreux, par l’enluminure macabre, enfin par un renversement de nature parlant à des appétits d’amour viciés.

Je les regardais, ces femmes, au Casino Cadet, à côté de leurs danseurs, des espèces de plumitifs malheureux, de jeunes Gringoires, des clercs en deuil, dans des gilets de velours noir avec un crêpe à leur chapeau : pantins sinistres.

Une femme en robe havane dansait, la tignasse en