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tête grossière et rude d’un carrier, avec des moustaches de sergent de ville, et des yeux durement brillants : « Quand nous sortons de l’école, a-t-il dit, nous sommes comme un fil de fer. Il n’y a qu’à Rome que nous trouvons le gras des contours. » Celui-là était Carpeaux[1], un jeune sculpteur de grand talent.

— La dorure moderne ressemble à ces feuilles de faux or, dont sont enveloppées les noix de bonne aventure, qu’on vous offre pour un sou dans les foires.

— Un paysage d’opéra, de féerie, une forêt pour un duo d’amour, un bois de volupté et de triomphe : les feuilles semblent sur le bleu du ciel se dessiner immortellement vertes et glorieuses comme les feuilles d’une couronne de poète ; un jour lustré saute dans les branches ; un bourdonnement de verger chante dans les arbres, et par terre il neige des parfums.

La fête d’une éternelle saison de bonheur palpite dans les orangers, pleins de fleurs et de fruits, cachant dans des boutons d’argent l’or rond d’une orange, pendant que de grands bœufs roux passent

  1. Je donne sur Carpeaux notre impression première, et telle que je la rencontre sur notre journal, mais j’ai besoin d’ajouter que cette impression a été fort modifiée par les rapports que nous avons eus depuis avec lui, et que nous le considérons comme le plus grand artiste français de la seconde moitié du XIXe siècle.