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autrement… Voulez-vous savoir ce qu’il y a dans la maison ? »

Et il nous mène dans la salle à manger où ses filles déjeunent, puis en haut, dans un petit atelier d’où l’on voit un jardin aux arbrisseaux maigres, dessiné en carrés de légumes. Là, il nous montre les dons des artistes à sa critique, — pauvres dons qui attestent toute l’avarice et la lésinerie de ce monde de l’art envers un homme qui, pour un si grand nombre, a bâti des piédestaux en feuilletons, et a mis de la gloire autour de leurs noms inconnus avec le patronage de ses belles phrases et de ses descriptions si colorées.

Des dessins de Férogio, une charmante esquisse d’Hébert, un blond Baudry, une Nuit de Rousseau, qui est comme le « Songe d’une nuit d’été » de Fontainebleau, des Chasseriau, des fleurs de Saint-Jean, une Macbeth de Delacroix ; enfin, deux petits tableaux de femmes nues, dont le faire va de Devosge à Devéria, — deux tableaux du maître, chez lequel Gautier apprit la peinture au faubourg Saint-Antoine.

— Je m’aperçois tristement que la littérature, l’observation, au lieu d’émousser en moi la sensibilité, l’a étendue, raffinée, développée, mise à nu. Cette espèce de travail incessant, qu’on fait sur soi, sur ses sensations, sur les mouvements de son cœur, cette autopsie perpétuelle et journalière de son être, arrive à découvrir les fibres les plus délicates, à les faire