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Puis une série de changements mourants de nuances, une succession de pâlissantes agonies de couleurs, parmi lesquelles les arbres passent du ton cannelle au ton d’un dessin à la sanguine brûlée, pendant que dans l’ombre de la nuit tombante, de rouge, le ciel devient peu à peu pâlement et froidement blanc.

Une dernière fois, les oiseaux se mettent à chanter : une traînée de piailleries qui s’allume, part, court tout le bord du bois, puis s’éteint. Un dernier petit cri encore, et tout se tait.

Alors dans l’obscur brouillard de la brume c’est l’inconnu, le mystérieux, le doute inquiétant des formes qui sombrent dans les ténèbres… Le silence s’amasse. Des oiseaux de proie tombent avec leur vol étoupé sur les branches des grands arbres, faisant le bruit de gros flocons de neige… Le ciel n’a plus de jour ni de teinte, et sur cette plaque neutre, les arbres dessinés, en leurs infinies ramures, se lèvent comme d’immenses feuilles de Gorgone.