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nous ne pouvons plus le corriger, nous ne voyons plus ce que nous avons écrit : les choses du bouquin et leur horreur, nous cachent les fautes et les coquilles.

Fin novembre. — On me parle aujourd’hui d’un homme sortant de Mazas, après une longue incarcération, et qui ne voulut pas se coucher, lorsque la nuit fut venue, ayant la peur de son petit appartement qui lui rappelait sa cellule, et emmenant avec lui, en plein air, en plein champ, des femmes qu’il fit promener avec lui, une partie de la nuit ; — puis soudain, sans raison, l’homme se mit à fondre en larmes, et demanda qu’on le laissât… pour pleurer à son aise.

8 décembre. — Deux sœurs, deux créoles, me racontaient qu’en mer, aux oiseaux lassés se reposant un moment sur le navire, elles s’amusaient à attacher des lettres, une sorte de journal intime, adressé aux amis inconnus, et qu’elles écrivaient sur la toile cirée de leurs broderies.

La fraîche imagination que ces pensées de jeunes filles courant le ciel et l’espace, à la patte d’un oiseau !

12 décembre. — Pendant que j’étais en train de regarder les tableaux de Tournemine, dans son atelier du Luxembourg, il nous disait que la couleur de l’Orient, de l’Asie Mineure surtout, n’est pas un