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Courmont loue 8,000 francs : le Café des aveugles, un des derniers débris du Palais-Royal et du vieux Plaisir de Paris.

Un caveau bas et étouffant à deux arceaux, où il me semble voir, en bonnets et en casquettes, une population plus vieille de cinquante ans, que celle qui marche sur notre tête. C’est du peuple qui semble avoir appris, tout à l’heure, la victoire d’Austerlitz… Il y a , le dernier sauvage, sous son diadème de plume, un tapeur de grosse caisse nostalgique, aux paupières lourdes et lassées, exécutant sa musique avec une sorte de suprême indifférence mélancolique. Les aveugles jeunes et vieux, sous le gaz qui leur frappe en plein le crâne, de grandes ombres noires emplissant le creux de leurs yeux, jouent automatiquement quelque chose de criard et de plaintif, comme s’ils pleuraient le soleil.

24 octobre. — Le roman depuis Balzac n’a plus rien de commun avec ce que nos pères entendaient par roman. Le roman actuel se fait avec des documents racontés, ou relevés d’après nature, comme l’histoire se fait avec des documents écrits.

Les historiens sont des raconteurs du passé, les romanciers des raconteurs du présent.

25 octobre. — Tous ces jours-ci de l’ennui, du gris dans l’âme, un dégoût des choses et des gens, un découragement de la volonté, un malaise de la vie. Après un livre, il y a comme un retrait, un reflux