Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout au fond, une petite porte de lumière. — Au loin les prairies apparaissant avec le vert incolore, qu’y met la nuit, et tachées des grandes ombres couchées et sommeillantes des chênes de la lisière du bois. — La lune dans le ciel : un diamant dans un lait d’opale. — Une nature couleur de rêve… Le paysage élyséen d’un promenoir d’âmes… Puis, par instants, le ciel se voilant, et le bois devenant d’ébène sous un ciel d’étain…

Assis sur un banc, nous avons passé une heure de pénétrante volupté, à jouir de cette nuitée du bois.

23 octobre. — Je retire ceci, comme trop vrai, de mon manuscrit de Germinie Lacerteux, lors de ses couches à la Bourbe.

« Auprès de la cheminée, deux jeunes élèves sages-femmes causaient à demi-voix. Germinie écouta, et avec l’acuité des sens des malades, entendit tout. L’une des élèves disait à l’autre :

« Cette malheureuse naine ! Sais-tu de qui elle était grosse ? de l’hercule de la baraque, où on la montrait !

Juge… Nous étions là toutes dans l’amphithéâtre… Il y avait un monde fou… des étudiants en masse… On avait bouché le jour des fenêtres… C’était éclairé par un réflecteur pour mieux voir… Des matelas avaient été posés en largeur sur la table de l’amphithéâtre… On faisait une grande place sur laquelle le réflecteur donnait… Auprès une table, et tous les instruments de chirurgie… Et puis à