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de beau, fit apparaître le dessous effrayant, pour ainsi dire, le cadavre, de son visage.

— Il est peu de douleurs, si grandes qu’elles soient, qui ne soient que douleur ; et j’ai vu peu de larmes derrière les morts, qui ne fussent salies d’un intérêt ou d’une vanité.

2 septembre. — Quand Sainte-Beuve est fatigué, et qu’il se dispose à dormir dans la journée, il donne cette consigne à Mme Dufour : « Si le pape venait, vous lui diriez que je n’y suis pas, et si ma pauvre mère revenait, vous lui diriez d’attendre ! »

Sainte-Beuve nous raconte cette anecdote sur Musset. Véron demande à Musset un feuilleton pour le Constitutionnel. Musset dit qu’il a en tête une fantaisie et qu’il voudrait 4,000 francs. Véron consent à les lui donner, et les lui remet un matin. Le soir il va dîner chez Véry. Il voit fleurir les escaliers des plus belles fleurs. Il demande qui donne cette fête. Le garçon lui répond : « C’est M. de Musset, » avec un visage tout émerillonné. Il monte voir.

C’était tout un lupanar, auquel le chantre de Rolla payait une fête de 4,000 francs. Et quand les femmes arrivèrent, le poète était si saoul, qu’il ne put pas même jouir de son orgie.

— Ce soir, sur le coup de minuit, en passant sur le boulevard, j’attrape ce mot d’un homme à une femme : « Adieu, mon jus d’ananas ! »