Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Saint-Louis, ce quartier demeuré du vieux Paris, nous montons les trois étages d’une antique maison, à rampe de bois, quelque logis d’ancien parlementaire.

Dans une grande chambre, qui a deux fenêtres au midi, nous trouvons un vieillard à la tête spirituelle, rappelant le fin et bienveillant profil de Condorcet, gravé par Saint-Aubin. C’est M. Valferdin. Il est là, au milieu de tous les accessoires de sa vie, entre ses baromètres et ses Fragonard, souffrant, malade, asthmatique, sur le bord de la mort, et retrouvant un peu de force et un souffle de voix, pour aller aux tableaux où il nous mène, et les saluer d’un avant-dernier adieu d’admiration.

Au fond d’une alcôve est son lit, tout entouré, tout tapissé de bistres de Frago, qui ont le premier regard du collectionneur s’éveillant, et même souvent, pendant la fièvre des nuits, les longues contemplations de ses insomnies, à la vague lueur d’une veilleuse.

Dans l’amateur, de temps en temps, le savant passe, et à propos de l’équilibre du mouvement chez Fragonard, revient, sur ses lèvres, cette définition de son peintre adoré : « C’est le peintre dynamique ! »

— Le commerce est l’art d’abuser du besoin ou du désir, que quelqu’un a de quelque chose.

10 juillet. — Au bord de la mer. Si on me donnait à choisir entre devenir dresseur de chiens savants, mari d’une danseuse ou père d’enfants pianistes, je demanderais à réfléchir.