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vous, votre main, ça vous tient par des filaments, ce n’est pas dégagé de vous… Je me suis toujours fait arranger des endroits pour travailler, eh bien ! je n’ai jamais rien pu y faire… Il me faut du mouvement autour de moi. Je ne travaille bien que dans le sabbat, au lieu que, lorsque je m’enferme pour travailler, la solitude m’attriste… On travaille encore très bien dans une chambre de domestique à tabatière, avec une table de bois blanc, du papier bleu à sept sous la rame, et dans un coin un pot, pour ne pas descendre pisser…

De là, Gautier saute à la critique de la Reine de Saba. Et comme nous lui avouons notre complète infirmité, notre surdité musicale, nous qui n’aimons tout au plus que la musique militaire : « Eh bien ! ça me fait grand plaisir, ce que vous me dites là… Je suis comme vous. Je préfère le silence à la musique. Je suis seulement parvenu, ayant vécu une partie de ma vie avec une cantatrice, à discerner la bonne et la mauvaise musique, mais ça m’est absolument égal…

« C’est tout de même curieux que tous les écrivains de ce temps-ci soient comme cela. Balzac l’exécrait. Hugo ne peut pas la souffrir. Lamartine lui-même, qui est un piano à vendre ou à louer, l’a en horreur… Il n’y a que quelques peintres qui ont ce goût-là. »

… « En musique, ils en sont maintenant à un gluckisme assommant, ce sont des choses larges, lentes, lentes, ça retourne au plain-chant… Ce