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qu’elle irait sept fois à Paris, et qu’elle mourrait à trente ans. Mais le vol des quinze livres de lard se découvrait, et elle recevait pour tous ses vols une fessée aux orties, qui lui couvrait le derrière de camboules.

Puis à quelques années de là, la voilà dans une petite ville, au comptoir d’un café, où venaient tous les gens du Tribunal. Le procureur du roi l’enlève, l’amène à Autun dans un hôtel, et l’y enferme sous clef, avec un domestique à sa porte, pendant ses absences. Mais un beau jour, à ce qu’elle raconte, elle dévisse avec un couteau la serrure de sa chambre, et file avec 800 francs, à Paris, où elle arrive si neuve, que le cocher qui l’amène à l’hôtel, lui demandant un pourboire, elle le remercie en lui disant : « Merci, je n’ai pas soif ! »

20 juin. — Nous faisons notre rentrée à Paris par le dîner Magny, ce dîner dont l’Indépendance belge a parlé l’autre jour, ainsi qu’on parlerait des soupers du baron d’Holbach.

Taine proclamant qu’il y a dans About, du Marivaux et du Beaumarchais, quelqu’un lui crie : « About, non, il descend de Voltaire… par Gaudissart ! »

Renan est très monté, très parleur ce soir. Il se déchaîne contre la poésie vide des Chinois, des Orientaux… À son appui vient Berthelot, un fort chimiste, un monsieur qui décompose et recompose les corps simples, une espèce de bon Dieu en chambre,