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femme je l’étudie, parce que pour moi, elle est physiquement et moralement le type de la fille de maison, qu’elle y ait été ou non.

Elle a le front petit, étroit, bombé, les sourcils forts, un peu plantés au hasard et se reliant à travers le haut du nez, le nez fin de ligne, mais canaille, mais ayant, au bout, le retroussement faubourien, la bouche petite, avec des fossettes aux coins, quand elle rit, les dents qui sont blanches, séparées comme si elles étaient limées, les pommettes pareilles à des pommettes fardées avec de la brique, d’un rouge qui annonce un mauvais estomac, se nourrissant de cochonneries, la peau épaisse et tiquetée sur un fond de hâle, une peau restée une peau de campagne, en dépit de toute la parfumerie parisienne. Elle porte rebroussés et relevés très haut, des cheveux bouffants et pommadés qu’on sent gros, et qui lui donnent l’air de ces femmes coloriées dans de petits cadres peints couleur d’or, et qu’on gagne aux macarons. Dans cette femme rien de laid, mais tout, bas de race et de troisième catégorie.

Elle est le matin, en jupe noire, en camisole blanche avec dessus un fichu jaune, le terrible fichu de la fille soumise, — souvent les pieds nus dans ses pantoufles.

Elle dit agréiable, se coucher à bonne heure, un homme veuve. Elle donne poliment et humblement du Monsieur à tout le monde. Elle appelle son amant : petit homme.

Elle n’a nul besoin d’impressionner, nul désir de