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Ce matin j’ai rencontré la mariée, dans la cour, portant à la main son vase de nuit, et ne paraissant pas plus gênée de sa nuit que de son pot de chambre.

16 juin. — S’il revenait, l’abbé Galiani ne manquerait pas de dire devant notre temps :

« Je cherche un homme qui ne fasse pas carrière et profession d’aimer ses semblables, qui ne fonde pas d’hôpitaux, qui ne s’intéresse pas aux classes pauvres, qui ne s’occupe pas de donner des cachets de bain au peuple, qui ne soit pas membre d’une société protectrice de n’importe quoi, des chevaux ou du bagne, un homme qui ne se sacrifie pas aux déshérités, un homme qui ne se dévoue pas au journalisme, à la députation, à la tirade parlée ou écrite en faveur des malheureux, des pauvres, des souffrants, des êtres marqués de misère ou d’infamie, un homme qui ne soit pas bon, un égoïste enfin : — oui, pour l’amour de Dieu, j’en demande un…, je voudrais en voir un, brutal, cynique, sincère. »

18 juin. — Cette nuit à deux heures du matin, nous sommes dans le Long Rocher, traversant des clairières, la lune danse comme si elle allait à la cour de la reine Mab, marchant comme à travers un raccourci du Chaos, éclairé par une lumière électrique d’Opéra.

Juin. — Il y a ici la maîtresse d’un jeune gentilhomme de province qui fait de la peinture. Cette