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des ventres de cygnes nageurs dans le ciel, tout se mire et tremble, en reflets remuant dans une moire de lumière, et l’eau qui va, roule la gaieté des choses, la splendeur claire du beau temps, — traversée à tout moment, de la tache faite par le vol rapide d’un oiseau, heureux de vivre.

Un mardi de juin. — La sœur de l’aubergiste s’est mariée, hier. Elle a mené les bêtes aux champs, le matin. Il semble qu’ici, pour les paysans, il y ait moins de solennité à se marier qu’à faire couvrir une vache.

À deux heures, j’ai vu arrivant de huit lieues de pays, en carrioles, une bande de parents mâles et femelles. Cela s’est éparpillé dans le jardin. C’était horrible dans la verdure : on aurait dit une noce de Labiche dans un tableau de genre de Courbet. L’une des femmes avait un goitre, de la grosseur de la tête, suspendu dans un mouchoir à carreaux.

À quatre heures, j’ai aperçu dans la cuisine, le marié, habillé de drap, qui se débattait désespérément, sans pouvoir y entrer, avec une paire de gants noisette, d’au moins dix trois quarts.

Puis sont venus d’autres parents en habits de 1814. J’ai cru à une bande de gorilles, grandis dans leurs habits de première communion. On est revenu des formalités. Ici il n’y a pas de messe… La mariée en blanc, avait l’apparence attendrie et hâlée, d’un macaron dans un endroit humide qui pleure.