Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soumettre. Il est de toute nécessité d’être bien avec son commissaire de police. Qu’est-ce que je demande ? C’est qu’on me laisse tranquille dans mon coin !

— Oui, vous voulez une carte de sûreté du gouvernement ?

— C’est cela… Eh bien ! j’étais très bien avec les d’Orléans, 48 arrive, la République me met pendant des années au rancart. Je me rarrange avec ceux-ci. Me voilà au Moniteur, puis arrivent ces affaires… cet homme qui va à droite, à gauche, on ne sait pas ce qu’il veut… Enfin, pas possible de rien dire. Ils ne veulent plus du sexe dans le roman. J’avais un côté sculptural et plastique, j’ai été obligé de le renfoncer. Maintenant j’en suis réduit à décrire consciencieusement un mur, et encore je ne peux pas raconter ce qui est quelquefois dessiné dessus.

Puis la femme s’en va. Elle n’est, à l’heure qu’il est, qu’une gymnastique vénérienne avec un petit fonds de Sandeau… Et c’est tout. Plus de salon, plus de centre, plus de société polie enfin… Une chose curieuse ! J’étais l’autre jour chez Walewski. Je ne suis pas le premier venu, n’est-ce pas ? Eh bien, je connaissais à peu près deux cents hommes, mais je ne connaissais pas trois femmes. Et je ne suis pas le seul ! »

— Lorsque l’incrédulité devient une foi, elle est moins raisonnable qu’une religion.

Lundi 3 mars. — Il neigeote. Nous prenons un fiacre, et nous allons porter nos livraisons de l’Art du