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lui faut toujours être à genoux devant un dieu, une femme, un homme, un livre, n’importe quoi enfin.

18 janvier. — Chez Magny.

Gautier célébrant la femme insexuelle, c’est-à-dire la femme si jeune, qu’elle repousse toute idée d’enfantement, d’obstétrique… Flaubert, la face enflammée, proclame de sa grosse voix que la beauté n’est pas érotique, que les belles femmes ne sont pas fabriquées à l’effet d’être aimées matériellement, qu’elles ne sont bonnes qu’à dicter des statues, qu’au fond l’amour est fait de cet inconnu que produit l’excitation, et que très rarement produit la beauté. Et là-dessus il développe son idéal, un idéal à la fois si turc, et si crotté, qu’on le plaisante. Sur quoi, il s’écrie qu’il n’a jamais possédé vraiment une femme, qu’il est vierge, que toutes les femmes qu’il a eues, n’ont jamais été que les matelas d’une autre femme rêvée.

Pendant ce, Nefftzer et Taine discutent sur le mot concret, s’étonnent de tout ce qu’il renferme, et lâchent à tout moment des mots comme idiosyncrasie…

 

Du coït on passe au spleen. Taine déplore cette maladie spéciale de notre profession. Il veut que l’on combatte le spleen avec tous les moyens hygiéniques, de la morale, et une bonne méthode. On a beau lui crier que peut-être tout notre talent n’existe qu’à la condition de cet état nerveux, il va toujours, il veut qu’on réagisse contre ces états d’avachissement