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parlotte de Magny. Il n’est d’abord question que du mort qu’on vient d’enterrer, d’Eugène Delacroix, et Saint-Victor esquisse drolatiquement, d’un mot, cette figure de bilieux ravagé, que nous avons vu un jour passer dans la rue des Beaux-Arts, un carton sous le bras : « Il avait l’air de l’apothicaire de Tippoo Saeb ! »

Et le mot lancé, soudain le critique pâlit dans sa soupe. On est treize… oui, positivement treize. « Bah ! dit Gautier jouant mal l’assurance, il n’y a que les chrétiens qui comptent, et il y a ici pas mal d’athées ! »

Toutefois Saint-Victor et Gautier envoient un garçon chercher, pour faire le quatorzième, le fils de Magny, un jeune collégien, devant lequel on raconte bientôt des choses énormes.

25 août. — Cabourg. Nous voici dans un singulier endroit, un bain de mer fait par et pour des gens de théâtre, un bain de mer dont la pancarte, réglementant la pudeur des baigneurs, commence par : « Le maire de Cabourg, chevalier de la Légion d’honneur, commandeur de l’ordre de Charles III… » et finit par le nom de Dennery.

On demande ici : « À qui ce chalet ? » On répond : « À Cognard. Et cet autre ? — À Clairville. — Et ce dernier en construction ? — À Matharel de Fiennes. »

Tout semble bâti en billets d’auteurs, en droits d’auteurs, en critiques de théâtres, en refrains de vaudevilles. Les chalets ressemblent à des décors, les escaliers à des praticables, la mer du fond à la Muette