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cales plaisanteries d’autrefois, mais nous y sentons son effort et son courage. Il nous dit : « C’est toujours la même chose, toujours ce tuyau de soufflet… J’ai eu froid dans mon lit… Tous ces palliatifs, toutes ces inhalations d’eau, je n’y crois pas… Il faudrait un séton ou me faire un trou là-dessous… là, à la gorge… Mais Veyne ne veut pas. Il me donne des choses à boire… Tenez, ça… qui n’est pas joli à boire… » Et il sourit à peu près. « Mon Dieu, le soufflet est bon, très bon… Ce sont les ficelles qui ne vont plus. Oui les poumons, la poitrine, c’est bon… Il m’a ausculté… J’ai bien le cœur un peu trop petit. Mais au fond, c’est ce larynx… »

Nous lui parlons alors d’une consultation, à laquelle il ne se refuse pas trop.

Et nous le quittons très alarmés, effrayés de cette maigreur que nous touchions dans cette main, pleine de cordes ; que nous devinions sous cette robe de laine blanche, sous ces deux ou trois paires de chaussettes roulées autour de ses pieds ; effrayés de ce lent dépérissement, de cet épuisement, de cet appauvrissement du sang et de la vie, de cette anémie amenée par les longues souffrances, et peut-être encore par tant d’années d’une alimentation insuffisante, où cette pure intelligence ne voulait pas manger, se refusait à manger, trouvait de l’ennui à manger.

Lundi 17 août. — Sortant de la solitude de Gretz, nous retombons avec un certain plaisir dans cette