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ment, le premier et le plus fort de l’homme, je le tuerai en moi, j’aurai la maison, la voiture, la femme, à l’année, au mois… Je serai usufruitier de toutes les jouissances de la vie ! » (À développer dans un livre ou dans une pièce.)

15 août. — Avoir roulé dans la foule, ce soir, aux Champs-Élysées, jour de la fête de l’Empereur.

Les grands plaisirs du peuple sont les joies collectives. À mesure que l’individu sort de la plèbe et s’en distingue, il a un plus grand besoin de plaisirs personnels et faits pour lui seul.

En vaguant parmi cette multitude, je remarque dans ce monde un processionnement passif : pas de gaieté, pas de bruit, pas de tumulte. Le tabac, ce stupéfiant, la bière, cette boisson d’engourdissement, finiraient-ils par endormir, dans les veines de la France, le sang du bourgogne ?

— Dans une société qui serait une aristocratie, mais une aristocratie de capacités ouverte au peuple, se recrutant largement jusque dans les intelligences ouvrières, je rêverais un gouvernement qui essaierait de tuer la misère, abolirait la Fosse commune, décréterait la Justice gratuite, nommerait des avocats de pauvres payés par le seul honneur de l’être ; établirait devant Dieu à l’église la gratuité et l’égalité pour le baptême, le mariage, l’enterrement ; un gouvernement qui donnerait, dans l’hôpital, une hospitalité magnifique à la maladie ; — un gou-