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corset, dans un déshabillé de grisette, qui vous fait passer devant les yeux, comme le Lever des ouvrières en modes à l’Opéra ; — au cou, pour ne pas avoir froid, elles se sont noué leurs mouchoirs.

— Ces dames seront-elles en costumes de caractère ? demande la voix de la censure.

— Des fa, des fa, crie le chef d’orchestre à la musique.

Nous sommes redescendus dans la loge d’avant-scène de Fournier. Sur le fond raisin de Corinthe, sourd et foncé de la loge, Mariquita essaie ses élévations. Elle se détache, le visage à demi éclairé par les feux qui viennent de la rampe, et meurent sur sa gorge, au bouquet de rubans rouges de son corsage ; tout le reste, la jupe ballonnante et les jambes, flotte dans le demi-jour d’un blanc tiède à la Goya. Au-dessus de sa tête, un papillon réveillé, remuant comme un atome coloré dans une raie de lumière, va et vole dans la brume chaude de la loge.

Mon regard suit, au bout de la chaise où la main s’appuie, ce corps de femme vaporeux et remuant, toute cette dislocation voluptueuse et harmonieuse, de la grâce qui s’assouplit, de la légèreté qui se travaille.

30 mai. — Je me promène sur les boulevards extérieurs, élargis par la suppression du chemin de ronde. L’aspect est tout changé, les guinguettes s’en vont. Les maisons publiques n’ont plus leur caractère de gros numéros ; avec leurs carreaux dépolis et