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19 mai. — Ennui, fatigue, découragement de notre livre, presque fini (Renée Mauperin), ainsi qu’il arrive des tâches longues, au moment d’être achevées.

22 mai. — Après dîner, en compagnie de Flaubert et de Bouilhet, — s’essayant à apprendre, à Mantes, le chinois, pour fabriquer un poème du Céleste Empire, — nous voici rue de Bondy, à l’entrée du boyau noir, encombré de blouses, au milieu desquelles s’ouvre la porte des coulisses de la Porte-Saint-Martin.

Un escalier en colimaçon à rampe de bois graisseuse, et de toutes petites portes, et des paliers resserrés, et un labyrinthe de corridors étroits, où les coudes touchent les deux murs.

Puis les pieds posent sur un plancher, l’épaule frôle un châssis de bois, garni de vieux journaux. Et nous voilà au milieu d’apparitions étranges, de porteurs d’oripeaux, d’habillés d’étoffes claquantes, se perdant et s’éteignant dans le bleu des bourgerons de faubourgs.

C’est un va-et-vient automatique, sans paroles, avec des morceaux de bal masqué qui traversent le regard, une sorte de carnaval dans le clair-obscur, — et des petites filles, en blouses de pension, filant entre vos jambes, et d’autres montant un escalier, en remuant dans la nuit, des gazes d’anges. Par une découpure de décor, de temps en temps, un coin de scène, une bouffée de musique, un bruit de voix.

Et un monde de machinistes, d’ouvriers, de figurants, un peuple hâve et rachitique, aux faces far-