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idées nouvelles il faut des mots nouveaux !… Et Saint-Simon, croyez-vous qu’il écrivit la langue de son siècle ? Et Mme de Sévigné, donc…

Et la grande parole de Gautier enterrant les objections de tous, il continuait : « Oui, peut-être avaient-ils assez des mots qu’ils possédaient, en ce temps-là, je vous l’accorde. Ils ne savaient rien, un peu de latin et pas de grec. Pas un mot d’art. N’appelaient-ils pas Raphaël, le Mignard de son temps ! Pas un mot d’histoire ! Pas un mot d’archéologie ! Je vous défie de faire le feuilleton que je ferai mardi sur Baudry avec les mots du XVIIe siècle. »

17 mai. — Saint-Victor a dîné hier chez Girardin, où se trouvaient Boitelle, le général Fleury, le duc de Morny. Quelle amusante parodie d’opposition dans le moment : Sacy aux Débats, Guéroult à l’Opinion nationale, Havin au Siècle, Girardin à la Presse.

Le duc de Morny, qui a été le causeur du dîner, s’est amusé à soutenir que les femmes n’avaient point de goût, qu’elles ne savaient pas ce qui est bon, qu’elles n’étaient ni gourmandes ni libertines, qu’en tout elles n’obéissaient qu’à des caprices et à des boutades. Ensuite il a émis cet axiome que, chez les nations, un peu de libertinage adoucit les mœurs, et enfin, à la grande indignation d’une honnête femme qui se trouvait là, il a commencé une audacieuse et originale apologie de la tribaderie, qui, selon lui, raffine la femme, la parfait, l’accomplit.