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fables du comte Anatole de Ségur, et sous la copie du mariage de la Vierge du Pérugin, placée au-dessus du piano, se voit un appareil pour faire brûler devant une lampe ou un cierge. On aperçoit encore aux murs des cartons de vitraux religieux, une horrible ronde-bosse argentée de Rudolfi, représentant le Miracle des roses de sainte Elisabeth, et à contre-jour, entre deux fenêtres, apparaît l’aigle de Pologne, brodé en argent au plumetis, et entouré d’une couronne d’épines sur fond de peluche amarante, avec au-dessus : Offert par les Dames de la Grande Pologne à l’auteur d’« Une nation en deuil ». 1861.

M. de Montalembert nous fait passer dans son cabinet. Une politesse onctueuse. En vous donnant la main, il l’approche de son cœur. La voix, avons-nous déjà dit, je crois, un peu nasillarde, mais l’élocution aisée, mais le dire spirituel, mais la méchanceté joliment enjouée.

Après des compliments, il nous demande pourquoi nous n’avons pas parlé des vertus provinciales, de la vie sociale de la province, de cette vie si particulière, si tranchée, si caractéristique, et qu’on trouvait surtout dans les villes de parlement comme Dijon, de cette vie aujourd’hui complètement morte… « Oui, reprend-il, la province ne se fait plus envoyer les livres de Paris, on ne lit plus ; quand il vient des voisins chez moi à la campagne, je leur donne des livres, personne ne les ouvre… » Puis il nous parle de l’article de Sainte-Beuve sur notre livre, et nous dit qu’à cette place où nous sommes,