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cette pièce remplie de portraits de famille, le germe d’une mauvaise action était mal à l’aise.

11 juillet. — Après avoir fait des dépôts de Sœur Philomène, toute la journée, je dîne ce soir chez Charles Edmond, qui vient de passer quelques jours avec Hugo, à Bruxelles. Le poète, qui, le jour où il est arrivé avait écrit le mot fin sur les Misérables, lui a dit : « Dante a fait un Enfer avec de la poésie, moi j’ai essayé d’en faire un avec de la réalité ! »

Hugo supporte avec une parfaite indifférence l’exil, n’admettant pas que la Patrie soit seulement la terre d’un sol et répétant : « La Patrie, qu’est-ce ? Une idée ! Paris, quoi ? Je n’en ai pas besoin. C’est la rue de Rivoli, et je déteste la rue de Rivoli ! »

— Rien de si mal écrit qu’un beau discours.

29 juillet. — Retour anxieux à Paris, vers l’aimant de notre vie, vers notre livre, vers les nouvelles de notre succès ou de notre insuccès. Quelle vie que cette vie des lettres ! Je la maudis par moment et je la hais. Ces journées où les émotions se précipitent en vous ! Ces montagnes d’espérances qui s’élèvent et s’écroulent ! Cette succession perpétuelle d’illusions et de dégringolades. Ces heures de platitude où l’on attend sans espérer. Ces minutes d’angoisses, comme ce soir, où l’on interroge la fortune de son livre aux