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Un respect vous saisit, quand on entre dans ces chambres pleines de registres en vélin blanc, entre lesquels vous passez comme dans un couloir. Les mots que portent les dos ont quelque chose de solennel : naissances, décès, mariages, abjurations. L’œil accroche au passage quelque nom de vieille paroisse qui fait songer : Saint-Séverin, Saint-Jean-en-Grève. Là est le passé de Paris. Ce papier est la seule mémoire de tant de morts. , Marié, Mort, — que d’ombres n’ont que cette biographie ! Et quelle anonyme poussière ferait tout ce passé de millions d’hommes, qui est sous nous, sans cette signature de leur nom et de leur vie déposée là !

Dans ces catacombes de l’état civil, rôde et furette, avec l’air du génie du lieu, flairant les actes, découvrant les vieilles naissances et les vieilles morts, comme on trouve les sources avec une espèce de divination, un vieux bonhomme au teint gris sale, de la couleur de ces vieux livres, grand, fort, cassé et voûté : il ressemble à une figure du Temps, dans un ancien tableau. Un chat le suit, blanc comme les animaux qui habitent la mort, comme les souris blanches des cimetières.

— Vu à la glace de la loge de Mlle *** la carte d’un acteur du boulevard, qui est un précieux travail et un curieux renseignement sur le goût cabotin. Cette carte est un décrassoir — on le jurerait en ivoire — et avec les cheveux, les tannes, toutes les saletés d’une tête, engagées dans les dents du peigne. Il n’y manque