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lisières. Rien de la patrie ne me sourit, pas même notre intérieur.

— La vanité de l’auteur dramatique a quelque chose de la démence de ce fou de Corinthe, convaincu que le soleil était uniquement fait pour l’éclairer — lui seul.

8 novembre. — « Savez-vous comment on a pris Sébastopol ? Vous croyez que c’est Pélissier, n’est-ce pas ? » nous dit quelqu’un d’assez bien informé. Et il continue : « Ah ! que la vraie histoire n’est jamais l’histoire ! Pélissier n’y a été pour rien. On a pris Sébastopol par le ministère des affaires étrangères. »

Il y avait à Saint-Pétersbourg, pendant la guerre, un attaché militaire de Prusse, M. de Munster, très aimé en Russie, et qui envoyait au roi Guillaume tous les détails secrets de la campagne, les procès-verbaux des conseils de guerre tenus chez les Impératrices. Le roi de Prusse ne communiquait les dépêches de M. de Munster à personne, pas même à son chef de cabinet, M. de Manteuffel. Il ne les communiquait qu’à son mentor intime, M. de Gerlach, un mystique germain, un conservateur féodal à la de Maistre, plein de mépris pour les parvenus du droit national, et outré de la visite de la reine Victoria à Paris.

M. de Manteuffel eut connaissance de cette correspondance secrète. Il la fit intercepter et copier, pendant le trajet qu’elle faisait du palais chez M. de